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  • La peur

    • Pourquoi ce thème aujourd'hui. J'avais envie de partager quelque chose avec vous depuis un certains temps, et une discussion avec une amie m'a donné cette occasion. Le lien qui est fait avec la pratique de l'aïkido a découlé naturellement au cours de la conversation. C'est pour moi un éclairage nouveau que je souhaitais poser ici.
      La peur et l'angoisse sont deux émotions particulièrement répandues, autour de nous, en nous, chez nos proches, dans la vie sociale, les médias, la politique. A croire que tout est fait pour les entretenir. Déjà que l'être humain semble y être particulièrement sensible, quasiment tout ce qui nous entoure "paraît" fait pour les cultiver. De mon point de vue, "paraître" n'est plus le verbe qui convient.
      Tout débute par une nouvelle assez ordinaire ; cette amie quitte son travail. Cela faisait déjà un certain temps qu'elle ne s'y plaisait plus. A cela je réponds que c'est une bonne nouvelle, eu regard ce qu'elle en disait auparavant. Et j'ajoute : "Je t'envie presque".   ???     Je me vois logiquement de lui apporter une explication. Elle ne voit pas très bien ce qu'il y a d'enviable dans le fait de "quitter son travail" dans ces conditions. J'émettrais une nuance avec le fait de "le perdre".
      Cette situation, je pense que tout le monde l'a rencontrée ou la rencontrera un jour. Et cela a été mon cas plusieurs fois déjà dans ma vie. Je l'envisage encore alors que tout va bien. Et la sensation dont j'ai le souvenir est cette confiance que tout est devant soi...possible, nouveau, excitant, en devenir. Comme une renaissance. Un sentiment de liberté inouï. A cela, elle ajoute très naturellement..."de peur un peu aussi non? Car moi je n'ai rien vu de tout cela".
      C'est à cet instant que tout démarre en réalité. La peur. Ce sentiment est tout à fait normal et sain jusqu'à un certain point. Mais ce doit être une bonne occasion de se rendre compte que nos  peurs n'ont pas de bases réelles. Si je ne me trompe pas, elles n'ont pour terreau que des suppositions négatives qui n'existent pas ou des expériences qui appartiennent au passé. Je lui rappelle un voyage que nous avions effectué ensemble en Norvège, et je lui demande si elle se souvenait avoir eu peur une fois. "Oui, une fois". Lorsque le vent soufflait très fort et que la tente "semblait" pouvoir s'envoler. Je me souviens pour ma part que j'ai dormi profondément ce soir là. L'une de mes meilleures nuits. Alors je me permets de lui faire noter que sa peur avait une raison réelle et instantanée. Elle avait peur que la tente s'envole. Néanmoins, elle ne s'était pas encore envolée. A part ça, aucune peur, aucune angoisse. Rien. Pourtant, sa vie était toujours la même, avec un travail peu passionnant et angoissant, un épisode amoureux important catastrophique soldé par une rupture.
      Mais, "trouver un nouvel emploi peut prendre du temps, et avec une rupture conventionnelle, tu ne touches pas le chômage éternellement (un an), et sans allocations on ne peut pas vivre, etc, etc. Mon 1er emploi j'ai mis un an à le trouver donc tu vois... J'ai 2 chiens à charge moi ! faut y penser ! je dois subvenir à leurs besoins !"
      Je trouve ses arguments très intéressants. Il y a d'abord la peur du temps qui nous est compté, la peur de ne pas pouvoir vivre sans argent, et la peur de ne pas pouvoir assumer des responsabilités. Tout cela est justifié. Mais ces dangers n'ont pas cours actuellement. Elle a du temps, elle a encore de l'argent et peut assumer ses deux chiens. Malgré cela, elle est déjà terrifiée. Pourquoi réagissons-nous "automatiquement" de cette manière?  Pourquoi est-ce que nous nous laissons empoisonner par des choses qui ne sont pas encore arrivées et qui n'arriveront peut être jamais?
      La vie n'est-elle pas simplement un voyage? En Norvège pourquoi pas? Ni plus, ni moins.
      Toutes ces questions ne sont pas faciles à aborder. Nous ne sommes pas préparés, entrainés ou conditionnés pour y répondre. Elle l'exprime très bien ensuite : "oui enfin juste pour terminer, tant que la peur ne me gâche pas la vie, je ne vois pas l'intérêt de me casser la tête à réfléchir comme ça ^^. L'angoisse c'est bon aussi. Si j'étais tout le temps zen, j'me ferais chier, et j'me bougerais pas autant. Alors que quand tu flippes un peu, bah tu te bouges plus, tu fais ce qu'il faut pour que ce que tu redoutes n'arrive pas par exemple. Enfin bref mon but n'était pas d'être insensible à toutes les petites choses de la vie qui font qu'elle n'est pas monotone, que ça fasse peur, que ça rende triste ou heureux, du moment qu'on ne tombe pas dans l'extrême, dans le pathologique".

      C'est ça...il ne faut pas que cela nous gâche la vie. J'aime bien ce qu'elle aborde ici ; "La monotonie" ou "l'insensibilité" sont deux notions que j'ai également questionnées. Cela a été difficile pour moi de le comprendre suffisamment, mais ne pas avoir peur ou ne pas avoir d'angoisse ne veut pas dire se désensibiliser ou rester endormi. Tout le contraire curieusement. La peur ou l'angoisse nous bloquent, et de fait rend notre vie monotone. N'est-ce pas ce qui lui es arrivé professionnellement?

      Ne pas avoir peur nous rend au contraire très sensible à ce qui nous entoure. Nous sommes à l'écoute de tout, pour tout...comme de se rendre compte qu'il faut quitter un travail ou une personne. Cela nous rend extrêmement vivant.

      Dans les arts martiaux en général comme en aïkido, j'ai souvent entendu dire que "l'immobilité, c'est la mort". Pour grandir dans nos pratiques, un élément essentiel est donc "la mobilité". Et cette mobilité, c'est la vie. Tout ce qui est à l'arrêt est mort. Tout. Il n'y a aucune exception. La mobilité dont je parle en prime abord est celle du corps bien sûr. Mais il ne faut pas oublier que l'esprit est intimement lié au corps, et inversement. Et que toute évolution de l'un, emporte l'autre dans cette évolution...vers le bas ou vers le haut. La neuro-plasticité du cerveau démontre parfaitement ce principe.

      Et qu'est ce qui nous rend immobile dans les disciplines martiales si ce n'est la peur...d'être touché (frappé), de perdre, d'échouer, d'être inférieur à, symboliquement de mourir? La peur nous empêche d'avancer, de voir avec lucidité, de croire en soi, et que sais-je encore. Selon moi, de là vient l’extrême nécessité d'être à l'écoute de ce qui nous entoure et de notre monde intérieur, de ne pas avoir peur quel qu’en soit la raison ou l'enjeu, pour voir le plus clairement possible dans quel sens il est bon d'aller pour soi. Peut être est-ce ce que certain appelle le "kokorosashi".

      Ha !!! Mais un détail m'a échappé ici. Une seule fois j'ai utilisé le mot "angoisse". Et pourtant, c'est bien d'elle dont j'ai le plus parlé dans cet article. En réalité, ce dernier est à lire en connaissance du fait que "la peur" possède toujours un objet. J'ai peur des araignées ou de me brûler. En revanche, "l'angoisse" n'a aucune raison réelle immédiate. C'est plus souvent l'idée qu'on se fait d'une situation non souhaitée, d'un éventuel résultat négatif ou de l'inconnu. Et c'est bien elle qui nous immobilise.

      Seulement, dans le langage courant, nous rassemblons sans distinction les deux. D'où, peut être, une certaine incapacité à saisir la nécessité d'étudier comment s'en détacher - de nos peurs.

      Meda

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